Au troisième trimestre (Juillet-Septembre) 2017, les affrontements entre les groupes armés et les attaques contre des civils ont continué à dominer l’environnement sécuritaire de la région frontalière du Mbomou-Uélé. En République Centrafricaine (RCA), les combats impliquant des factions ex-Séléka, anti-balaka et d’autres acteurs armés étaient concentrés dans des villes telles que Bria (préfecture de la Haute Kotto) et Zemio (préfecture du Haut Mbomou), tandis que la sécurité s’est améliorée dans d’autres localités, comme Bangassou (préfecture de Mbomou).
Bien que le nombre total d’attaques et d’enlèvements de l’Armée de Résistance du Seigneur (LRA) ait diminué au troisième trimestre, l’activité de la LRA a augmenté dans les zones de la Haute Kotto près de la frontière avec l’enclave de Kafia Kingi contrôlée par le Soudan. Au nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC), la LRA était responsable de la plupart des activités des groupes armés, commettant une série d’enlèvements et d’attaques à l’ouest du Parc National de la Garamba pendant et après les opérations de collecte d’ivoire.
La violence diminue dans l’est de la RCA, en dehors des zones sensibles
Les niveaux globaux d’attaques et de meurtres par des groupes armés dans les préfectures de la Haute Kotto, du Mbomou et du Haut Mbomou ont diminué au troisième trimestre par rapport au deuxième trimestre (Avril-Juin) 2017, mais sont restés bien au-dessus des niveaux des années précédentes. La plupart de la violences contre les civils est perpétrée par des milices “anti-balaka” dont les allégeances et le niveau d’organisation varient considérablement d’une région à l’autre, ou des factions ex-Séléka comme le Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC) et l’Union pour la Paix en Centrafrique (UPC).
Dans la Haute Kotto, la capitale régionale de Bria est restée un point chaud, avec des affrontements sporadiques impliquant des factions belligérantes du FPRC, des milices anti-balaka et d’autres groupes armés. Fin Septembre, les dirigeants de la société civile ont aidé à négocier un cessez-le-feu entre plusieurs groupes armés armés opérant à Bria, conduisant à une réduction de la violence. Le 6 Octobre, les dirigeants du FPRC, de l’UPC et des factions anti-balaka ont signé un cessez-le-feu à Ippy, à 89 km à l’ouest de Bria, dans la préfecture de la Ouaka. Cependant, le changement d’alliances politiques et la poursuite du contrôle des ressources naturelles et d’autres sources de revenus vont probablement tester la viabilité de ces initiatives au cours des prochaines semaines.
Dans la préfecture du Mbomou, des affrontements sporadiques entre l’UPC et des combattants anti-balaka ont également été signalés, mis en lumière par des combats à Gambo au début du mois d’Août qui ont fait six victimes de la Croix-Rouge. À Bangassou, en Mai 2017, des groupes anti-balaka ciblaient les quartiers musulmans et les soldats de la paix de la MINUSCA. Les efforts déployés par la MINUSCA ont permis de prévenir des atrocités majeures par des groupes armés au troisième trimestre, malgré des tensions persistantes et des incidents sporadiques.
Plus à l’est, dans la préfecture du Haut Mbomou, la violence des groupes armés au troisième trimestre était concentrée dans et près de la ville de Zemio. Il y a eu au moins neuf attaques dans un rayon de 25 km autour de la ville, déplaçant des dizaines de milliers de réfugiés Centrafricains et Congolais. De nombreux Centrafricains et Congolais ont fui Zemio vers les régions de la province de Bas Uélé, en RDC, d’où les réfugiés Congolais de Zemio avaient fui à l’origine pour éviter les attaques de la LRA. Bien que l’activité de la LRA dans ces zones du Bas Uélé ait été peu fréquente en 2017, le groupe a été très actif en 2015 et 2016 et pourrait retourner attaquer les personnes récemment déplacées.
Le rôle compliqué de l’ethnie Peuhl dans la violence dans l’est de la RCA
Les personnes appartenant à l’ethnie minoritaire Peuhl ont été impliquées dans une grande partie de la violence dans la préfecture du Haut Mbomou au troisième trimestre 2017, que ce soit en tant qu’auteurs ou victimes. À Zemio et dans ses environs, les hommes Peuhl ont été identifiés comme faisant partie des combattants dans sept attaques impliquant des violences contre des civils et/ou des affrontements avec des groupes anti-balaka. Le 14 Juillet, un groupe armé non identifié a assassiné cinq Peuls, dont deux hommes, deux femmes et une jeune fille, près d’Obo. Les dirigeants Peuhl d’Obo ont joué un rôle important dans les efforts de médiation et de réconciliation des conflits facilités par les autorités locales et les groupes de la société civile, ce qui a réduit les tensions et contribué à empêcher que l’incident ne déclenche davantage de violence à Obo.
Dans de nombreux incidents survenus à Zemio, on ne sait toujours pas si les Peuhl armés étaient associés au groupe armé de l’UPC dominé par les Peuhl ou s’ils agissaient de manière indépendante. L’UPC était l’une des factions dissociées du mouvement Séléka à majorité musulmane lors de son effondrement en 2014. Elle est dirigée par Ali Darassa, un Peuhl du Tchad qui a des liens avec un autre chef rebelle Tchadien Peuhl qui opérait auparavant en RCA, Abdel Kader Babba Ladde . En Février, Ali Darassa et l’UPC ont été expulsés de Bambari (préfecture de la Ouaka) par les forces de maintien de la paix de la MINUSCA, ce qui a conduit à une extension de l’activité de l’UPC dans les préfectures de la Basse Kotto, du Mbomou et du Haut Mbomou.
Les attaques contre des civils par l’UPC, ainsi que par des anti-balaka et d’autres groupes armés ont intensifié les tensions entre les civils appartenant à différents groupes ethniques et religieux, les obligeant parfois à chercher la sécurité ou la protection contre des groupes armés dominés par des combattants ayant des identités similaires. Cependant, les groupes armés ont le plus souvent agi dans leur propre intérêt, plutôt que celui des groupes ethniques et/ou religieux qu’ils prétendent souvent représenter. Les alliances de groupe armées changent souvent et sont basées sur des tentatives visant à consolider le contrôle sur un territoire ou des sources de revenus. À la mi-2017, des membres du FPRC, qui, à l’instar de l’UPC, ont émergé de la disparition de la Séléka, ont collaboré avec des milices anti-balaka chrétiennes pour cibler les civils Peuhl et l’UPC. De telles alliances soulignent que si les groupes armés ciblent souvent des civils sur la base de leur identité religieuse ou ethnique, ces différences ne sont pas intrinsèques à la violence.
Les commandants de la LRA attaquent et établisse le contact avec des communautés Centrafricaines près de Kafia Kingi
Le 5 Juillet, un groupe de la LRA a brusquement pénétré dans Kotto 3, une petite communauté de la préfecture de la Haute Kotto, située à seulement 45 km de la frontière avec l’enclave de Kafia Kingi, sous contrôle Soudanais. Aligac et Otim Larwedo, les commandants du groupe de la LRA, ont demandé à rencontrer les ex-Séléka et les dirigeants de la communauté, demandant de la nourriture et manifestant un intérêt pour la défection. Le groupe est reparti le lendemain, ne faisant jamais suite à leurs demandes de quitter la LRA. Deux semaines plus tard, un groupe de la LRA, peut-être le même, est revenu pour attaquer et se ravitailler en provisions de Kotto 3.
En Août et Septembre, les combattants de la LRA ont continué à opérer autour de Kotto 3 et de la communauté voisine de Sam Ouandja. Lors d’un incident, des combattants de la LRA ont arrêté un chasseur dans la brousse, lui ont donné de l’argent et lui ont demandé d’acheter des vivres pour eux sur les marchés locaux. Le 26 Septembre, les forces de la LRA ont attaqué un champ près de Ouanda Djalle dans la préfecture voisine de la Vakaga, la première activité de la LRA signalée dans cette préfecture depuis Octobre 2010.
Très peu d’informations ont été recueillies sur la localisation de Kony depuis la fin des opérations contre la LRA des États-Unis et de l’Ouganda en Avril 2017, en partie parce que peu de combattants de la LRA se sont échappés depuis du groupe rebelle depuis lors. Cependant, le pic des activités de la LRA dans la Haute Kotto et la Vakaga au troisième trimestre pourrait indiquer que le chef de la LRA continue à opérer le long de la frontière de la RCA, de l’enclave de Kafia Kingi et du sud du Darfour. Dans le passé, l’analyse comparant les habitudes d’attaque de la LRA dans la Haute Kotto et la Vakaga avec des témoignages de rescapés de la LRA sur les mouvements de Kony a montré des liens entre les attaques et la présence de Kony dans Kafia Kingi.
Un groupe de la LRA attaque les communautés alors qu’il fait le trafic de l’ivoire en RDC
En RDC, l’activité de la LRA au troisième trimestre a été concentrée à l’ouest du Parc National de la Garamba et des zones protégées environnantes dans la province du Haut-Uélé. Suite aux ordres donnés par Kony en Mai 2017, un groupe de la LRA dirigé par Owila a attaqué des communautés pendant plusieurs semaines, enlevant 35 personnes lors de 17 attaques entre Mai et Juillet 2017. Simultanément, le groupe d’Owila a cherché à collecter de l’ivoire, dans Garamba ou dans des caches d’ivoire enterrées lors des missions de braconnage de la LRA les années précédentes.
À la mi-août, le groupe d’Owila avait commencé à se déplacer vers l’ouest et le nord, vers la frontière avec la RCA. Il a probablement été responsable d’attaques près de Bangadi, Zigbi et Mbangana du 14 au 24 Août, au cours desquelles plus de 30 personnes ont été temporairement enlevées pour porter des biens pillés. Les survivants enlevés près de Bambangana, plus tard relâchés, ont rapporté que le groupe d’Owila possédait 16 morceaux d’ivoire. Alors que le groupe d’Owila se dirigeait vers la RCA, la violence de la LRA dans les communautés autour de Garamba a chuté, sans qu’aucune attaque de la LRA ne soit signalée près de Garamba (à l’est de Ngilima) depuis le 4 Août.
Le LRA Crisis Tracker est un projet d’Invisible Children qui intègre des données sur les activités des groupes armés dans la région frontalière de Mbomou-Uélé, une zone géographique qui comprend les préfectures de la Haute Kotto, du Mbomou et du Haut Mbomou dans l’est de la RCA et les provinces du Haut-Uélé et Bas Uélé dans le nord-est de la RDC au nord de la rivière Uélé. Les informations sur les activités des groupes armés dans les régions voisines de la RCA, de la RDC, du Soudan du Sud et du Soudan sont intégrées dans notre analyse de la dynamique des conflits dans la région frontalière de Mbomou-Uélé.
Visitez le LRA Crisis Tracker à www.LRAcrisistracker.com
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